Avant de commencer mon
article, je tenais à rendre hommage à toutes les victimes des
terribles attentats de Paris mais également à toutes les victimes
de tous les actes terroristes bien trop nombreux sur notre planète.
Je tenais également à saluer toutes les forces de police, armées
et de secours qui se sont mobilisées pour nous protéger et tout
ceux qui se mobilisent encore.
Source : fotomelia.com
Internet a d'ailleurs eu
un rôle important dans cette mobilisation. En effet, nous pouvons
saluer les initiatives constructives des réseaux sociaux qui ont
permis, d'une part, de connaître si nos proches parisiens étaient
en sécurité et, d'autre part, de lancer un mouvement de solidarité
et de soutien aux victimes. Ces heureuses actions ont supplanté la
campagne virulente de cyberattaques (défigurations des sites ou de
dénis de service) ou même l'affichage public sur les réseaux
sociaux de soutien à Daesh qui avaient lieu après les attentats de
janvier 2015.
A ce sujet, il est
important de rappeler que les réseaux sociaux sont des espaces où
la liberté d'expression n'est pas absolue et peut connaître
certaines limites.
Certes, la liberté
d'expression est consacrée comme « l'un des droits les plus
précieux de l'homme » par l'article 11 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et sa valeur
constitutionnelle est réaffirmée régulièrement par le Conseil
constitutionnel qui y voit une « garantie essentielle
du respect des autres droits et libertés » depuis sa
décision du 11 octobre 1984.
Sur la toile, la loi du
21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)
laisse toute sa place au droit commun de la liberté d'expression
tout en y apportant des limites qui sont similaires à tout autre
autre support d'expression ou tout autre média ordinaire.
En effet, un
post sur Facebook ou un tweet sur Twitter peuvent comme tout support
d’expression avoir un contenu illicite, contenu interdit et puni
par la loi (propos racistes, diffamation, insulte, apologie du
terrorisme, etc.) et son auteur peut donc être sanctionné pour ce
propos.
L'exemple le
plus parlant est celui de Dieudonné M’Bala M’Bala qui a été
condamné pour apologie du terrorisme,
à la suite de son propos tenus sur Facebook « je me sens
Charlie Coulibaly », ce qui marquait, selon le ministère
public, sa sympathie à l’égard du terroriste antisémite.
En
est-il de même concernant le simple retweet ? Le retweet
du message illicite expose-t-il son auteur aux mêmes sanctions que
le tweet initial ?
Retweeter une insulte ou une diffamation sans autre
précision peut être interprété comme une reprise à votre compte
de l’expression outrageante et vous exposer à commettre la même
infraction
ou à en être complice.
A la différence du « j'aime » sur
Facebook, le retweet sur Twitter ne permet pas de connaître la
position de l'internaute au sujet de ce qu'il relaie, approuve-t-il
ou au contraire condamne-t-il les propos illicites ?
Cette question est
d'autant plus complexe que l'internaute peut se prévaloir sur de son
anonymat sur Twitter ou d'un propos tenu dans le cadre de sa sphère
privée en fonction des paramètres de verrouillage sur Facebook.
Pour illustrer cette
problématique, il faut savoir qu' en droit du travail, plusieurs
juridictions du fond ont eu à connaître de messages très
critiques, parfois même injurieux ou diffamatoires, tenus par des
salariés à l’encontre de leur employeur. L’enjeu était le
suivant, s’ils étaient analysés comme des correspondances
privées, ils relevaient de la sphère de la vie personnelle et ne
pouvaient donner lieu à aucune sanction ; s’ils étaient
analysés comme des propos publics, ils pouvaient constituer la base
de sanctions disciplinaires, allant jusqu’au licenciement.
En matière pénale, le
TGI de Paris, dans une ordonnance
du 24 janvier 2013, a ordonné à Twitter de donner les
coordonnées d'auteurs de messages antisémites. En conclusion, le
pseudonnyme n'est donc pas une protection absolue, et le juge peut
facilement se faire communiquer le nom des intéressés, afin
d'engager des poursuites à leur encontre.
De façon plus simple, en cas d'observation d'un
contenu illicite sur les réseaux sociaux, il est important de le
signaler à la plateforme officielle de signalement des infractions
ou encore de le signaler directement aux réseaux sociaux qui ont
l'obligation, sur le fondement de l'article
6-I-8 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie
numérique de mettre en place un dispositif de signalement des
contenus illicites conforme au droit français.
En dehors de toute
sanction juridique, l'utilisation des réseaux sociaux doit rester
mesurée et raisonnable pour notamment préserver son
« e-reputation ». A ce sujet, la CNIL recommande sur
Facebook de créer différentes listes correspondant aux membres de
votre famille, à vos amis proches, à vos collègues, etc., puis
adapter les paramètres de confidentialité en fonction des
informations que l'internaute souhaite partager avec chaque catégorie
de personnes. La CNIL rappelle également qu'il est possible de
modifier ou de supprimer des données personnelles sur Internet, en
cas de refus du moteur de recherche ou d'autres acteurs sur Internet,
vous pouvez adresser une plainte en ligne à la CNIL car il s'agit
d'un droit reconnu par la loi Informatique et Libertés.
Maîtriser son
e-reputation c'est aussi éviter de se faire pirater ses comptes
sociaux
et de se faire usurper son identité. L’infraction d’usurpation
d’identité numérique est depuis la loi d’orientation et de
programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite
LOPSI II
passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.
Internet est loin d'être
un espace de liberté absolue, en dehors peut être des réseaux
anonymes tels le réseau TOR,
et cela vaut aussi bien pour tout réseau social qui peut être
également soumis à des dispositions de propriété intellectuelle,
de prescription, de protection des données à caractère personnel,
des dispositions sur l’utilisation des données pouvant servir de
preuve dans des poursuites judiciaires nationales et internationales.
Notes de bas de page :