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Attendue par l'espèce "juris geekum", l’étude annuelle du Conseil d’Etat consacrée au numérique et aux droits fondamentaux a été dévoilée hier, mardi 9 septembre 2014.
Attendue par l'espèce "juris geekum", l’étude annuelle du Conseil d’Etat consacrée au numérique et aux droits fondamentaux a été dévoilée hier, mardi 9 septembre 2014.
En effet, pour tout
bon juriste qui se respecte, la parole du Conseil d’Etat vaut parole d’évangile. Cette
parole, de qualité, est heureuse car la juridiction suprême administrative porte en elle la légitimité juridique dépassant n’importe quel autre rapport gouvernemental
sur le même sujet. Elle est également la bienvenue dans le domaine des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) [1] ,
domaine longtemps mal appréhendé par la sphère juridique.
Le rapport, épais de 446 pages et de 50 propositions, a le
mérite d’étendre la pensée juridique du Conseil d’Etat sur une très large variété
de sujets, allant de la neutralité du net à la régulation des algorithmes, tout en sacralisant l'évolution du numérique et la protection des droits fondamentaux.
Le Conseil d’Etat part du constat que « l’essor du numérique a suscité la
reconnaissance de nouveaux droits fondamentaux [le droit à la protection des données personnelles et
le droit d’accès à internet] et modifié leurs conditions d’exercice » et débute, comme toute bonne dissertation de droit,
par exposer les définitions des notions de numérique[2]
et de l’économie numérique[3], souvent éludées .
Dans un second temps, il met en exergue l’enjeu principal de son étude à savoir « l’ambivalence du numérique [qui] nécessite de repenser la
protection des droits fondamentaux ». En effet, le numérique « ouvre
de nouveaux espaces de libertés tout en étant porteur de risques pour celles-ci ».
L’exemple le plus connu est l’explosion de l’usage des données personnelles ou "data" et
des risques associés qui oblige à repenser leur protection notamment à travers les phénomènes de métadonnées "big data" et d'Internet des objets "Internet of Thing".
Enfin, après ce rappel du contexte et des enjeux du
numérique, le Conseil d’Etat énonce ses recommandations dont l’objectif est de
mettre le numérique au service des droits individuels et de l’intérêt général.
Il s’agit à la fois d’idées nouvelles (proposition d’envisager
un droit à l’autodétermination comme un droit de propriété –proposition n°1/
création d’un numéro national non signifiant – proposition n°21) mais également
des propositions de renforcement d’actions existantes ou tout juste
balbutiantes (donner plus de pouvoirs à la CNIL – proposition n°4 /charte
de bonnes pratiques étatique sur l’Open Data – proposition n°32) ou encore de propositions d’élargissement
au niveau international (rédaction d’une convention internationale relative aux
libertés fondamentales et aux principes de la gouvernance d’internet -
proposition n°50).
Ce rapport arrive à un tournant de la prise
en compte du numérique par l’Etat. Un faisceau d'indices va d'ailleurs en ce sens avec notamment le lancement de la consultation sur le
numérique pilotée par le Conseil National sur le Numérique et l’annonce de l'étude du projet de loi sur le numérique portée par Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée
du numérique, en début d'année 2015.
Comme le martèle le Conseil d’Etat, « les Etats ne sont pas moins légitimes à
légiférer sur les réseaux numériques que sur tout autre domaine d’activité
humaine », il est donc temps pour l’Etat de ne plus avoir peur d’un inconnu,
qui le devient d’ailleurs de moins en moins, et de prendre ses responsabilités
de régulateur.
Mais cela n’est pas sans soulever des difficultés car cette régulation est
soumise à un véritable numéro d’équilibriste : il faut que l’action de l’Etat
soit à la fois contraignante pour prévenir des aspects négatifs, à la fois
souple pour accompagner le potentiel positif du numérique tout en prenant en compte les réglementations issues des instances européennes et internationales.
[1] Ce fut
également le cas au sujet du Cloud computing. Lire à ce sujet l’article de ce
blog du 1er novembre 2013 « le cloud computing, véritable nébuleuse
juridique »
[2] « Le numérique se définit comme la
représentation de l’information ou de grandeurs physiques (images, sons) par un
nombre fini de valeurs discrètes, le plus souvent représentées de manière
binaire par une suite de 0 à 1 ».
[3] « Définie
strictement, l’économie numérique se compose de quelques secteurs spécialisés
tels que les télécommunications, l’édition de logiciels ou les sociétés de
service et d’ingénierie informatique (SS2I) ».
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