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Prévu pour le début de l’année 2014, le rapport "Protéger les INTERNAUTES" sous la direction du procureur général près la Cour d'appel de Riom, Marc Robert, a été rendu public le 30 juin 2014 [1].
Ce rapport s’inscrit dans le cadre du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité.
Le rapport s’articule autour de trois grandes parties :
- une première partie relative au constat sur la réalité de la cybercriminalité ;
- une deuxième relative à la proposition d’une stratégie sur la cybercriminalité ;
- une troisième spécifique sur l’amélioration de la répression en matière de cybercriminalité.
Il faut saluer cet impressionnant travail qui, à travers 277
pages ainsi que 270 pages d’annexe, présente un inventaire exhaustif de
l’environnement de la cybercriminalité jamais dépeint jusqu’à présent.
Parmi les nombreux détails retranscrits dans ce rapport, la
présentation de l’ensemble des acteurs ayant un lien avec la cybercriminalité
est réellement fouillée car on y découvre des groupes européens non connus du
grand public tels l’European Cybercrime
Training and Education Group (ECTEG) [2].
Outre cette méticulosité, il est également satisfaisant de
lire, par une rédaction franche et lucide, la mise en avant des lacunes
françaises, parfois dramatiques, en matière de cybercriminalité. A titre
d’exemple, il est inscrit que « comparé
à ce dont disposent les Etats étrangers voisins, la situation française, en
terme de ressources humaines, est proche de l’artisanal » [3],
ou encore « l’objet des
recommandations qui suivent poursuit un seul objectif – renforcer l’effectivité
d’une répression encore très lacunaire- tout en assurant une mise en cohérence
parfois perdue de vue et en veillant au respect des libertés fondamentales
comme à une meilleure protection des victimes » [4].
Enfin, il est toujours intéressant de pouvoir étudier des propositions
sur un sujet au plein cœur de l’actualité et sur lequel il semble difficile d’agir efficacement. En
effet, ce rapport met en exergue 55 propositions dont la création de nouvelles
structures dédiées à la cybercriminalité.
La proposition la plus emblématique en la matière est la
création d’un centre spécifique d’alerte et de réaction aux attaques
informatiques ou en anglais Computer
emergency response team (CERT) [5] couvrant les besoins du grand public et des PME non couverts par les
CERT existants dont le CERT-FR[6]
animé par l’ANSSI.
En effet, même si le CERT-FR a pour mandat d’assurer le
soutien en matière de gestion d’incidents aux ministères, aux institutions, aux
juridictions, aux autorités indépendantes, aux collectivités territoriales et
aux Opérateurs d’Importance Vitale (OIV), il semble plus opportun de renforcer
les effectifs du CERT-FR afin de pouvoir traiter également les besoins des
citoyens et des PME. La création d’un nouvel CERT risque d’entraîner une
mauvaise coordination entre les deux structures d’autant plus que le
chevauchement des périmètres d’action est également à prévoir.
Sur le même plan, la proposition relative à la création d’une
Délégation interministérielle à la lutte contre la cybercriminalité [7]
n’est pas forcément plus heureuse. En effet, comme le souligne justement le
rapport on assiste à « une
multiplication des « sachants » comme des initiatives diverses, publiques
ou privées, relativement peu coordonnées et parfois concurrentes » qui nuit à l’efficacité de l’action
relative à la cybercriminalité. Certes, il existe « une forte attente, en terme de mise en cohérence et de
clarification stratégique » mais il n’est pas certain que la création
d’un nouvel acteur ex nihilo , devant
prouver sa légitimité face aux acteurs historiques, soit la meilleure solution.
Une nouvelle fois, il est plutôt proposé de renforcer une
structure existante qui traite activement du sujet telle l’OCLCTIC et de que
renforcer les cellules de base qui traite ce sujet. Il semble plus efficace de
renforcer les bases existantes plutôt que de créer une nouvelle instance
stratosphérique qui peut avoir du mal à s’imposer.
De façon générale, le renforcement des cellules existantes,
comme recommandée pour la plate-forme des interceptions judiciaires [8] ,
reste plus adapté que la création ex
nihilo de nouvelles structures en cybercriminalité [9].
En outre, le cœur des propositions (42 sur 55) concernent la
réforme des réponses répressives en matière de cybercriminalité.
La première étape serait de renforcer les incriminations
liées à la cybercriminalité notamment en généralisant la circonstance
aggravante des délits commis via un réseau de communication électronique tels
l’usurpation d’identité [10]
ou encore en imposant en peine complémentaire la suspension du droit d'accès à
Internet. Cette dernière proposition ne semble pas très pertinente en raison de
l'existence d'accès à Internet sans abonnement (borne Wifi et cybercafé).
La deuxième étape serait d'encadrer la coopération avec tous
les prestataires d'Internet tels les hébergeurs, les fournisseurs d'accès et
les fournisseurs de moteur de recherche.
L'objectif principal est d'imposer de nouvelles contraintes
aux prestataires français mais également étrangers telles une obligation de
surveillance préventive des contenus illicites « lorsqu’ils en sont requis
par la loi, à la prévention ou à la sanction de contenus illicites
» [11]
ou encore de coopération des grands opérateurs étrangers avec les services de
police pour l’obtention de données de connexion [12].
De plus, le rapport conseille de réhabiliter la coupure
d’accès Internet pour certaines infractions, les « délits graves ou des
crimes ». Cette sanction avait fait polémique lors de la mise en place du dispositif HADOPI et
donc supprimé.
La troisième étape est de renforcer les moyens
d'investigation en améliorant dans un premier temps la lisibilité et la
cohérence de la procédure pénale et encadrer plus rigoureusement les moyens de
preuve du numérique, en soumettant à l’autorisation préalable du juge des
libertés ou d’instruction la réquisition d’un opérateur de communications
électroniques [13] ou en imposant le
respect de la confidentialité des tiers requis [14].
En effet, il est devenu primordial de ne plus pouvoir contester une preuve
numérique lors d’un procès à cause d’un défaut de procédure.
En conclusion, il faut à
nouveau saluer le travail rigoureux apporté par ce rapport et il sera
intéressant d'examiner attentivement le projet de loi numérique prévu en 2015
pour voir quelles propositions du présent rapport seront retenues.
[1]Voir le lien suivant pour
le communiqué de presse officiel relatif à la remise du rapport ROBERT :
http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-communiques-10095/archives-des-communiques-de-2014-12598/remise-du-rapport-proteger-les-internautes-27256.html
[2]Page 114 du rapport encadré
relatif à l’ECTEG
[3]Page 148 du rapport
« II.6.- Une conséquence : Des moyens pour lutter contre la
cybercriminalité ».
[4]Page 151 du rapport,
deuxième paragraphe de l’introduction de la troisième partie intulée « La
cybercriminalité : des réponses répressives plus effectives et davantage
protectrices ».
[5] Recommandation n°6 page
136 du rapport
[6]
http://www.cert.ssi.gouv.fr
[7] Recommandation n°7 page
141 du rapport
[8] Recommandation n°24 page
183 du rapport
[9] La recommandation n° 50
page 247 du rapport préconise également la création d’une plate-forme
spécifique relative aux cyber-escroqueries.
[10] Recommandation n°14 page
154 du rapport
[11] Recommandation n° 25
page 185 du rapport
[12] Recommandation n° 23 page 182 du rapport
[13] Recommandation n°37 page
223 du rapport
[14] Recommandation n° 38 page
224 du rapport
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