dimanche 5 janvier 2014

Du Big à l’Open Data : aperçu des enjeux juridiques



Le Big Data consiste en la collecte, l’analyse et le traitement d’un ensemble de masses de données. Ces opérations de collecte, d’analyse et de traitement sont rendues possibles par un assortiment de technologies et d’algorithmes qui permettent de trier en temps réel une masse considérable de données sur le Web, et de cerner plus subtilement les comportements des internautes-consommateurs. En effet, les ordinateurs, ordiphones et tablettes génèrent une multitude de fichiers stockés, voire de cookies (témoins de connexion), et d'informations qui permettent de retracer les faits et gestes informatiques de chaque individu afin de recueillir les opérations comportementales et contextuelles de l'utilisateur.

L’analyse et le traitement d’autant de données a pour conséquence directe de s’interroger sur la protection de ces données comme le souligne la note d’analyse relative au Big Data du commissariat général à la stratégie et à la prospective [1]. La protection des données est un enjeu d’autant plus important qu’en novembre dernier, Vinton Cerf, l'un des précurseurs d'Internet et qui occupe le poste de Chief Internet Evangelist Chief (sic !) chez Google a déclaré que sur le web et dans un proche avenir  « la vie privé sera anormale » et qu'il y aura « une difficulté croissante pour y parvenir » du fait de l’évolution des nouvelles technologies.



   1.Big Data et prémisses de réglementation sur la protection de la vie privée.


Face à la complexité du phénomène plurisectoriel du Big Data, une réglementation généraliste n’existe évidemment pas (encore ?).

En France, la réglementation relative à la protection des données est celle issue de la loi « Informatique et Libertés » [2] qui fixe les modalités de collecte et de traitement des données à caractère personnel. Plus spécifiquement liées au Big Data, le 17 décembre dernier, la CNIL a publié sur son site internet des recommandations très pédagogiques sur les cookies et les obligations qui en découlent pour les responsables de traitement de données à caractère personnel [3]. Ainsi, l’obligation légale en la matière est la suivante : le stockage d’informations sur l’équipement d’un utilisateur ou l’accès à des informations déjà stockées, ne doit être mis en œuvre qu'avec le consentement préalable de l’utilisateur, sauf si ces actions sont strictement nécessaires au fournisseur pour la délivrance d’un service expressément demandé par l’abonné ou l’utilisateur [4].

En d’autres termes et, sauf exceptions, les traceurs (cookies ou autres) ne peuvent être déposés ou lus sur le terminal d’un internaute, tant que celui-ci n’a pas donné son consentement.

En outre, la réglementation pose également le principe d’effacement et d’anonymisation des données de connexion. Il existe, d’ailleurs, des régimes juridiques distincts en fonction du statut de l’opérateur qui effectue la journalisation. Ceux-ci sont développés en dernière partie de la note technique publiée par l’ANSSI relative aux recommandations pour la mise en œuvre d’un système de journalisation [5]. L’exigence d’anonymisation généralisée suite à l’utilisation de certaines données serait une solution pour rendre la tâche plus difficile de l’analyse faite à des fins malveillantes. Une opération qui reste cependant encore très compliquée car le Big Data permet de croiser et de recroiser une multitude de données issues majoritairement des consommateurs qui donnent très facilement, et d’eux-mêmes, des informations les concernant.

La CNIL ainsi que ces consœurs européennes œuvrent pour que la protection des données à caractère personnel soit prise en compte par les géants de l’Internet tels Google mais cela reste encore pour l’instant lettre morte [6].

Bien que le phénomène Big Data effraie aujourd’hui comme une terra incognita, l’administration doit dans les années à venir faire du Big Data un atout incontournable pour la valorisation des données publiques.

        
   2.La solution de l’Open Data


Depuis l'initiative de l'« Open Data » lancée par l’administration Obama en 2009 [7], les gouvernements ont mis à disposition des données d'origine publique. Avec la circulaire du 27 mai 2011, le droit français prévoit la gratuité par principe et, la rémunération par exception des données. Cette ouverture des données publiques contribue à amplifier le phénomène Big Data en publiant ouvertement ces masses de données publiques.

Le 18 décembre, le Premier ministre a inauguré la nouvelle version de data.gouv.fr [8] ,la plateforme gouvernementale de partage des données publiques.Cette plateforme permet aux services publics de publier des données les concernant et à la société civile de les enrichir, modifier, interpréter en vue de coproduire des informations d’intérêt général et cela de façon gratuite. Évidemment, les données à caractère personnel (données fiscales ou patrimoniales, données médicales, etc.) et celles dont la publication contrevient à la loi (secret médical, secret de la défense nationale, secret statistique, secret des affaires, etc.)sont interdites sur la plateforme “data.gouv.fr”.

Le régime juridique des données publiées est le suivant :

-          les administrations de l’État et ses établissements publics administratifs publient systématiquement les données publiques en Open Data sous Licence Ouverte (permettant de reproduire, diffuser, adapter, et exploiter, y compris à titre commercial, sous réserve de mentionner la paternité) ;

-          les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et les collectivités territoriales, choisissent par eux-mêmes une licence Open Data : Licence Ouverte ou ODbL [9] (l’État recommande l’usage de la Licence Ouverte) ;

-          les individus, les associations et les entreprises publient des données en Licence Ouverte et des réutilisations dans la licence de leur choix, y compris pour permettre des usages commerciaux.
 
Néanmoins, il faut garder à l’esprit que certaines données sont expressément protégées par le droit d’auteur et que tous les pays n’ont pas la même législation en matière de propriété intellectuelle.


Le Big Data ou l’analyse des données est le nouvel outil de connaissance par excellence. Comme le soulignait Francis Bacon, « la connaissance c’est le pouvoir », le Big Data se trouve donc au cœur des enjeux dont celui de la protection de la vie privée. La protection juridique de la vie privée reste un sujet délicat, d’ailleurs mis en exergue par les débats de fin d’année 2013 autour de l’article 20 de la Loi de Programmation Militaire (LPM) promulguée au Journal Officiel le 19 décembre 2013 [10].


L’auteur de ce blog profite également de ce nouvel article pour souhaiter une excellente année 2014 à tous ses lecteurs en leur remerciant de leur fidélité et en espérant qu’ils soient toujours plus nombreux !





[1] http://www.strategie.gouv.fr/blog/2013/11/note-analyse-des-big-data/
[2] Loi n° 78-17 du 6 janvier 1974 modifiée.
[3] http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/recommandation-sur-les-cookies-quelles-obligations-pour-les-responsables-de-sites-quels-conseils/
[4] Cette obligation est issue de l’article 5(3) de la directive 2002/58/CE modifié par l'adoption de la directive 2009/136/CE et repris en droit national par l’article 32-II de la loi du 6 janvier 1978.
[5] http://www.ssi.gouv.fr/fr/bonnes-pratiques/recommandations-et-guides/securite-du-poste-de-travail-et-des-serveurs/recommandations-de-securite-pour-la-mise-en-oeuvre-d-un-systeme-de.html
[6] Cf article du 1er décembre 2013 « Google versus le droit français de l’Internet : and the winner is… »
[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/Open_Government_Initiative
[8] http://www.data.gouv.fr/
[9] L’Open Database License (ODbL) est un contrat de licence ayant pour objet d’autoriser les utilisateurs à partager, modifier et utiliser librement la base de données concernée par le contrat de données tout en maintenant ces mêmes libertés pour les autres.
[10] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028338825&dateTexte=&categorieLien=id

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