dimanche 3 mai 2015

Le droit de la santé face aux nouvelles technologies

Comme les (nouvelles) technologies, l'univers de la santé évolue et s'améliore sans cesse et ce depuis l'Antiquité.
Le siècle dernier a consacré une amélioration significative des techniques médicales (imagerie, nouveaux médicaments, etc.) et du confort des patients mais aussi a consacré l'innovation notamment en matière des biotechnologies et en robotique.
Concernant la robotique, il est intéressant de savoir que, pour la sphère médicale, elle ouvre un large champ des possibles grâce à la robotique chirurgicale mais également grâce aux androïdes qui pourront jouer un rôle d'assistance aux personnes âgées ou handicapées.

 De nombreuses règles juridiques peuvent s'appliquer aux robots avec en priorité les droits de propriété intellectuelle (droits d'auteur, droit des brevets, droit des bases de données, etc.) mais également le droit pharmaceutique qui peut considérer le robot comme un dispositif médical défini à l'article L.5211-1 du code de la santé publique1.
Au delà des règles applicables aux robots, il est intéressant de s'interroger sur le statut juridique du robot en tant que tel. Contrairement à ce qu'il avait été évoqué dans le billet « Réglementation des drones et droit des robots » publié sur ce blog, et, selon Mme Mendoza-Caminade2, « il n'apparaît pas souhaitable de conférer un statut propre aux robots mais il est préférable de les maintenir dans la catégorie des choses. Quel que soit son degré de sophistication, l'intelligence artificielle ne permettra jamais de conférer à l'androïde une conscience, une volonté qui lui soit propre. Ce ne sont pas des personnes dotées d'une conscience et d'une dignité et elles ne constituent pas des sujets de droit ».

Autre nouveauté notable, c'est l'émergence d'une nouvelle conception de la santé à savoir la santé personnalisée ou encore la santé connectée.
A travers le mouvement du quantified self3, cette santé met en avant les données de santé, données sensibles, non définies légalement et dont la publication reste un enjeu juridique. En effet, ces données sensibles doivent être protégées au titre de la protection de la vie privée et ne doivent être dévoilées que de façon limitative.
L'exemple de la biométrie illustre bien la conciliation juridique entre la protection des données à caractère personnel et des libertés individuelles avec l'utilisation des nouvelles technologies de santé.
Selon la CNIL, la biométrie regroupe l’ensemble des techniques informatiques permettant d’identifier un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales. Les données biométriques ont la particularité d’être uniques et permanentes. Elles permettent de ce fait le "traçage" des individus et leur identification certaine. Le caractère sensible de ces données justifie que la loi prévoit un contrôle particulier de la CNIL fondé essentiellement sur l’impératif de proportionnalité et sur la finalité sécuritaire4.
Par exemple, la CNIL considère que les empreintes digitales génèrent un risque de traçabilité qui peut être exploité aux dépens des personnes physiques. En conséquence,5 une base de données d’empreintes digitales peut être détournée à d’autres fins que l’objectif poursuivi à la création.
C'est pourquoi, les dispositifs de reconnaissance biométrique sont soumis à l’autorisation préalable de la CNIL6.
Mais lorsque ces données de santé sont délivrées par des objets connectés, il n'est plus certain que le traitement de ces données soit encadré. Il existe aujourd'hui des partenariats entre des sociétés d'assurance et des sociétés d'objets connectés. Heureusement, juridiquement, l'assureur ne peut pas encore avoir accès directement aux données de santé qui restent protégées par le secret médical7.
Il apparaît donc important de mettre en place « un droit au contrôle » des puces RFID afin de garantir à leurs usagers la maîtrise de la diffusion de leurs données personnelles produites par ces outils. Ceci supposerait que leurs utilisateurs puissent à tout moment désactiver la fonctionnalité permettant la communication des données, en application de leur droit d’opposition.
 
Enfin, il convient de terminer avec le rappel suivant, avec toutes ces innovations et ces nouvelles pratiques dans le domaine de la santé, les responsabilités du professionnel de santé mais également celle du patient restent inchangées et demeurent un enjeu juridique important. 
Concernant la responsabilité du praticien, le recueil du consentement du patient demeure primordial et le devoir de conseil qui lui incombe en devient donc renforcé. 
L'utilisation de capteurs de santé ou de matériaux connectés provoquant d'éventuels dommages sur le patient promet de belles batailles juridiques où chaque partie prenante dans le dommage (du fabricant de l'objet, du propriétaire de logiciel au praticien qui l'utilise en passant par le patient lui même par sa mauvaise utilisation) va tenter de s'exonérer de sa responsabilité.
En conclusion, le progrès médical et le bien-être évoluent de pair mais cela ne doit pas se faire au détriment de la vie privée.
N'oublions pas que selon le code civil8 le corps humain est inviolable et ne peut faire l'objet d'une commercialisation. 
Par une interprétation extensive, ne serait-il pas sage d'estimer que les donnés de santé doivent elles aussi faire l'objet de restrictions d'usage et ne pourraient même avec le consentement de la personne faire l'objet d'exploitations commerciales sous une forme identifiante ?

Sources :
  • CNIL - Cahiers IP n°2 – Innovation et prospective – Le corps, nouvel objet connecté ? Du Quantified self à la m-santé : les nouveaux territoires de la mise en données du monde.
  • Interview de Thomas Roche dans le magasine Expertises des systèmes d'information n°400 de mars 2015 « La santé : des données très connectées ».
  • RLDI n°108 - octobre 2014 supplément - Actes du colloque : « Santé et nouvelles technologies en Europe » - Université Toulouse I – Capitole – 18 avril 2014 .



1 L'article L.5211-1 du code de la santé publique : « On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. Constitue également un dispositif médical le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostiques ou thérapeutiques ».
2 La santé et la robotique RLDI n°108- octobre 2014 supplément « Actes du colloque : santé et nouvelles technologies en Europe – Université Toulouse I – Capitole du 18 avril 2014.
3 Selon la CNIL, le quantified self est traduit en français par l'auto-mesure est un mouvement qui vise au « mieux-être » en mesurant différentes activités liées au mode de vie.
4 Par exemple, la CNIL a subordonné la création d’une base centralisée de données d’empreintes digitales à un "fort impératif de sécurité" car cette technique demeure risquée en termes d’usurpation d’identité.
5 «  les empreintes digitales…. Des traces qui peuvent être explotées à des fins d’identification des personnes à partir des objets les plus divers que l’on a pu toucher ou avoir en main » CNIL, 21ème rapport d’activité, p 113, La Documentation française, 2001.
6 Article 25 de la loi n°78-17 de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
7 En 2014, un partenariat a été mené entre Withings et Axa qui consistait à proposer la remise d'un podomètre à tout souscripteur d'une complémentaire santé Axa.
8 Selon l'article 16-1 du code civil : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ».

1 commentaire:

  1. dans ce cas nous pouvons affirmer que la technologie sera au service de l'homme, ce n'est pas le cas partout

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