samedi 7 février 2015

Lutte juridique contre le terrorisme sur Internet





 Matt Murphy - EI cyberwar -http://www.leblogducommunicant2-0.com/2014/09/27/terrorisme-reseaux-sociaux-nabandonnons-pas-le-terrain-de-linfluence-aux-integristes/
Le web, nouvel outil d’embrigadement pour les terroristes

Les attentats terroristes subis à Paris en ce début d’année ont mis en exergue l’utilisation du web comme outil et vecteur de la radicalisation terroriste.

En effet, le web est la meilleure vitrine que les djihadistes puissent rêver afin de diffuser leur propagande dans le monde entier et dans toutes les langues ainsi que de recruter le plus facilement possible les candidats au Djihad.

De plus, le web permet aux terroristes de récupérer des informations stratégiques mal protégées et de s’organiser à distance pour la préparation de leurs attentats ainsi que d’agir directement par de simples défigurations de sites Internet ou des dénis de service.

Face à ce phénomène de violence amplifié par la Toile, quelles sont les réponses juridiques existantes en France ?

Un arsenal juridique resserré sur le terrorisme et avec des contrôleurs multiples

En matière de lutte du terrorisme sur Internet, la principale mesure est la chasse aux connexions des internautes sur des sites de propagande terroriste.

Depuis la loi LOPPSI de 2011[1], il possible pour la police dans le cadre d’une procédure judiciaire de récupérer des données informatiques. Cela est permis par les articles 706-102-1 à 706-102-9 du code de procédure pénal qui autorisent la mise en place d’un dispositif technique au domicile de l’internaute à son insu ou par l’installation à distance de ce dispositif.

Depuis la loi de programmation militaire (LPM) du 18 décembre 2013[2], les services de renseignement français, en dehors de toute procédure judiciaire, peuvent collecter auprès de tous les fournisseurs d’accès à Internet n’importe quelle donnée de connexion technique d’une personne désignée.

Enfin, avec la loi du 13 novembre 2014 [3], l’autorité administrative soit les officiers de police judiciaire, a le pouvoir de faire retirer, en demandant directement à l’éditeur ou à l’hébergeur du site, les contenus de sites Internet provoquant directement à des actes de terrorisme ou faisant publiquement l’apologie de ces actes, ou d’en faire bloquer l’accès, à l’instar de ce qui a été prévu par la LOPPSI concernant les contenus à caractère pédopornographiques. A défaut du retrait des contenus illicites dans le délai de vingt-quatre heures, l’autorité administrative peut notifier aux fournisseurs d’accès à Internet la liste des sites Internet concernés afin qu’ils en bloquent l’accès sans délai.

Par ces trois lois, il apparaît clairement que le contrôle judiciaire s’écarte de plus en plus de l’action des autorités administratives. Le débat provoqué par l’adoption de ces textes et qui fut le même lors de l’adoption de la loi HADOPI[4] se situe sur la disparition du contrôle préalable de l’autorité judiciaire qui est supprimé au profit de l’autorité administrative.

Une solution pourrait résider dans le blocage hybride à savoir effectué par la l’autorité judiciaire mais à l’initiative d’une autorité administrative. Ce système existe déjà pour les sites proposant des jeux d’argent ou de hasard où les tribunaux donnent droit ou non à une demande de l’ARJEL[5] concernant le blocage de sites litigieux.

Ces demandes au tribunal pourraient d’ailleurs être facilement alimentées par le dispositif instauré par la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004[6] qui oblige les hébergeurs de mettre en place un mécanisme facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance des données répréhensibles, à l’image de la devenue célèbre plateforme Pharos[7].

Toutefois, au final et concrètement, il appartient de s’interroger sur l’efficacité de cet arsenal juridique. Il est certain qu’il ne sert à rien de se précipiter dans la volonté d’une surveillance généralisée du web car d’une part les contenus de la toile restent avant tout une source de renseignements très précieuse pour les services de renseignements[8] et d’autre part, l’utilisation du chiffrement ou de plateformes d’échanges alternatifs tels RuTube permettra toujours de contourner les mesures de contrôle imposées par la loi française.

Par contre, il est indéniable qu’il faille augmenter les moyens humains et financiers, autant du ministère de l’intérieur que du ministère de la justice ainsi que renforcer la coopération européenne voire internationale en cybercriminalité afin de pouvoir sanctionner les sites terroristes même quand le site se situe à l'étranger.

Le temps législatif ne doit pas être guidé par l’émotion, les meilleures lois ne sont pas celles rédigées dans l’urgence. Avant de se précipiter dans l'écriture de nouvelles législations, il est important dans un premier de réaffirmer simplement les infractions existantes en matière de censure des contenus illicites sur Internet[9] et leurs punitions. Ces dernières doivent être appliquées avec discernement et sans zèle[10] par la justice, première garante, avant la police, du bon équilibre entre les libertés individuelles et la sécurité de la nation.



Sources : « Le terrorisme et les libertés sur l’internet » par Philippe Ségur pp.160-165 ; AJDA  n°3 du 2 février 2015.


[1] Loi n°2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI)

[2] Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale

[3] Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

[4] Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet

[5] Autorité de régulation des jeux en ligne

[6] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique

[7] Le portail officiel de signalement de contenus illicites de l’Internet (internet-signalement.gouv.fr) rattaché  à l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC)


[9] Il existe notamment les articles 227-23 et 227-24 du code pénal qui visent à protéger les mineurs contre la pédopornographie et les articles R624-3 et R625-7 et suivants du code pénal qui sanctionnent des diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire et des provocations non publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence

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